Non-jeûneurs de Ighzer Amokrane : ne pas perdre ce n'est pas gagner
Lorsque les non-jeûneurs de Ighzer Amokrane ont été relaxés, Said Salhi, le président de la LADDH de Béjaia a déclaré ceci : « C’est une grande victoire pour les droits de l’homme et la liberté de conscience et de culte en Algérie ».
Et je ne sais pas pour vous mais j'ai ressenti comme un grand froncement de sourcils intérieur en lisant ça. Qu'on ne se méprenne pas sur mes propos, le verdict m'a soulagée. Mais je ne pense pas qu'on puisse parler de victoire. Ne pas perdre ne signifie pas qu'on a gagné.
Je serais sûrement mauvaise langue (une fois n'est pas coutume) en disant qu'il n'y a pas de quoi remercier un juge qui a finalement fait son travail, eu égard au serment qu'il a prêté, ou qui a reçu des directives parce que cette histoire de non-jeûneurs emprisonnés n'est finalement pas très marketing outre-mer. Peut-être ai-je tort parce qu'il doit quand même y avoir des gens intègres en Algérie, même si la justice n'a jamais été un domaine dans lequel l'intégrité a pu s'exprimer librement. Mais j'ai du mal à voir l'intolérance avancer puis reculer sous l'effet du bon sens ou du respect des droits de l'homme. Il y a longtemps que la Constitution, celle-là même qui prône la liberté de culte, est devenue un torchon dans lequel nos dirigeants s'essuient leurs mains sales mais qu'ils renient avec un code pénal qui légalise leur mauvaise foi.
Dans l'Algérie de 2010 au lieu de voir la société avancer, on la voit se réjouir de revenir sur ses pas parce qu'elle marchait à reculons depuis des kilomètres. Aujourd'hui je ne vois que (mauvaise) foi affichée, hypocrisie, leçons de morale affublées de voiles et de qamis, encore plus qu'en 1992, à croire que nous n'avons pas compris la leçon, à croire que cette armée qui se targue de nous avoir sauvés de la catastrophe nous a finalement fait reculer pour mieux sauter.
J'en viendrais presque, si les blessures n'étaient pas encore si vives, à regretter les années 90 où, malgré la pression des islamistes, des milliers d'hommes et de femmes refusaient qu'on touche à leur liberté de penser. Aujourd'hui l'extrémisme et l'obscurantisme n'ont même plus besoin de prêches violents et de propagande pour distiller leurs idées au sein (non, ce n'est pas un appel à la débauche) de la populace.
Alors non, même si dans "relaxe" il y a "relax", moi je ne le suis pas et je ne pense pas qu'on puisse parler de victoire. La vraie satisfaction serait de ne pas avoir à se battre pour choisir ses convictions et l'heure de ses repas. Et pour ma part, je serai satisfaite le jour où pour un non-jeûneur relaxé, il n'y aura pas des milliers de personnes pour demander sa tête.
Par Nanou
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