Next, made in Algeria !
Bienvenue dans cet épisode très algérien de Next. Aujourd’hui, le peuple a la possibilité de rencontrer six présidents. A tout moment, il peut interrompre le mandat. Pour cela, il n’a qu’un mot à prononcer : Next !
« Je suis jeune et je souhaite rencontrer une personne qui me permettra de m’enrichir, qui me laissera vivre ma liberté fraîchement acquise et qui acceptera ma diversité culturelle et identitaire. Il doit être ouvert d’esprit et à mon écoute. S’il est trop égocentrique, trop mou ou trop mort, je n’hésiterai pas, ça sera next ! »
Tout de suite, notre premier président, Ben Bella, 47 ans. C’est un ancien combattant et il est membre du club très fermé des Dirigeants Capturés puis Emprisonnés par la France pendant la Guerre d’Indépendance. Ce rebelle de l’époque coloniale séduira-t-il notre peuple rebelle de tout temps ?
- Salut. Je suis le peuple algérien mais tu peux m’appeler Algérie.
- Bonjour Algérie. Moi c’est Ahmed, mais tu peux m’appeler Ben Bella.
- OK. Parle-moi un peu de toi.
- Ce sont des amis à moi qui m’ont inscrit au jeu, d’ailleurs certains sont dans le bus.
- Tu n’avais pas envie de participer ?
- Oh que si. Et j’ai bien l’intention de gagner maintenant que je suis là. Tous ces ploucs vont y rester dans ce bus. N’est-ce pas ?
- On verra.
- Pour être honnête, je ne laisse personne d’autre que moi prendre les décisions.
- Vraiment ? Neeeeeeeeeeext !
Ben Bella : « Où est-ce que je me suis trompé ? C’est pas moi le meilleur ? »
Le Peuple : « Ben Bella était sympa mais il l’a jouait un peu trop personnelle. Moi je rêve de démocratie. Donc forcément, ça ne pouvait qu’être next. »
Ben Bella croyait bien faire, mais il a oublié que lorsqu’on en veut trop, on finit par tout perdre.
C’est au tour de Boumediene de tenter sa chance. Il a 33 ans, il aime le treillis militaire, Oujda et il a un coup d’Etat à son actif. Son fort caractère plaira-t-il à un peuple que l’on devine difficile ?
- Salut. Je me présente, le peuple.
- Moi c’est Mohamed Ben Brahim Boukharouba, alias Boumediene. Mais appelle-moi Colonel.
- Colonel ? Alors on continue dans le contrôle du pouvoir par l’armée ?
- Bien sûr. Qui d’autre ? Des civils ? Pff, on a déjà réglé la question.
- Certes. Mais en fait je pensais…
- Tu penses ? Ah bon ? Et à quel point tu penses ? Au point de faire partie du PAGS ?
- J’en ai entendu parler mais…
- Je le savais ! Donne-moi des noms !
- Des noms de quoi ? Si tu veux que je te donne des noms d’oiseaux, ça peut être négociable…
- Attends… Tu as un accent étrange. Tu n’es pas kabyle par hasard ?
- Je suis le peuple algérien, bien sûr que je suis en partie kabyle !
- Je le savais aussi ! Grâce à l’arabisation, plus un seul mot kabyle ne dépassera de ce jeu !
- Je vais peut-être nexter là…
- Ah non, ça je ne crois pas.
- NEEEEEEEEEXT !
Boumediene : « Je vous ferais tous arrêter ! Ce peuple va finir enchaîné ! Je ne tolère pas qu’on me désobéisse ! Vous là avec la caméra, dites-moi pour qui vous travailler ! Et tant que vous y êtes, appelez-moi un médecin. Russe. »
Le peuple : « C’est pas un peuple qu’il veut, c’est un bataillon qui lui obéit au doigt et à l’œil ! J’ai envie de garder ma liberté de penser, alors c’est définitivement next. »
Boumediene était une main de fer dans un gant de velours. Sauf qu’il a oublié de mettre le gant de velours.
A Chadli d’entrer dans la danse. A 50 ans il a le grade le plus élevé de l’armée algérienne et il est le plus ancien dans la hiérarchie militaire. Son expérience du système séduira-t-elle le peuple ?
- Bonjour.
- Bonjour jeune peuple. Moi c’est Chadli.
- Enchanté.
- Avant de commencer, on pourrait libérer Ben Bella de ce bus ? Merci.
- Tu as l’air bien différent du candidat précédent. Il ne supportait pas l’opposition.
- Je veux bien tolérer officieusement le PAGS.
- Et l’ouverture démocratique ?
- N’exagérons rien.
- Et si je crie ?
- D’accord.
- Et au niveau de l’économie, qu’est-ce que tu comptes faire ?
- Je ne m’y connais pas vraiment. Mais j’ai des amis qui s’y connaissent.
- Neeeeeeeext !
Chadli : « Je pensais bien faire. Mais il est vrai qu’un peuple qui n’a pas de problème n’est pas un peuple. Alors heureusement que l’Algérie n’a pas de problème. »
Le peuple : « Il semblait sincère mais pour gérer un peuple aussi exigeant que moi, il faut être plus crédible, moins crédule et plus capable. Je pourrais ajouter une bonne blague sur notre homme, mais je dirais juste next. »
Chadli peut sans doute être un bon soldat, mais certainement pas un président, car c’est ainsi qu’on laisse la voie libre à tous les opportunistes. L’Algérie l’a vu, et son jugement a été sans appel.
Boudiaf est notre quatrième président. Il a 73 ans, il préfère les briques aux legos et il aime les voyages de longue durée chez les voisins. Ce sauveur des temps modernes fera-t-il mouche auprès de notre peuple ?
- Bonjour ! Je suis le peuple algérien.
- Moi c’est Boudiaf.
- Alors parle-moi de toi. Dis-moi ce que tu aimes dans la vie.
- J’aime l’intégrité. Et je déteste la corruption qui gangrène les systèmes et…
Une voie caverneuse dit : « NEXT ! »
La lumière s’éteint, ce qui est d’autant plus étrange qu’on est en plein jour et en extérieur. Lorsque le jour réapparait, Boudiaf a disparu.
Le peuple : « Je ne l’ai pas vu partir, donc je pense qu’il est à la fois trop tôt et trop tard pour donner un avis. »
Parfois, il vaut mieux rester mystérieux sur ses intentions, sinon on risque d’être évincé du jeu pour non-respect des règles.
Bref. Poursuivons le jeu et laissons place à Zéroual. Liamine a 53 ans, il a fait carrière dans l’armée, a voyagé dans le monde entier, et une fois il a remporté une élection présidentielle avec un parti politique tout neuf. Il a plus d’un tour dans son sac, le peuple lui jouera-t-il un mauvais tour ?
- Bonjour ! Moi c’est le peuple algérien.
- Zéroual.
- Bien. Dis-moi, quelles sont tes priorités ?
- El Mourtazika !
- Comment tu penses t’en débarrasser ?
- Je discute, si ça marche pas, je liquide.
- Et qu’est-ce que tu penses de ce jeu ?
- L’ambiance n’est pas terrible. Si ça ne tenait qu’à moi, je dirais…
- Next !
- Merci.
Zeroual : « Sans commentaires »
Le peuple : « A l’entendre si peu parler, je ne pouvais pas savoir s’il m’écoutait vraiment. C’est aussi son rôle non ? Et puis toutes ses répliques étaient écrites sur des fiches, alors… »
C’est sans regret que Zéroual quitte la partie, s’il avait pu, il aurait lui-même dit next.
Le dernier président de cette saison est Bouteflika. Il a 80 ans, il est un ancien collègue de Ben Bella et de Boumediene, il aime prendre son temps pour traverser les déserts et maîtrise parfaitement l’imparfait du subjonctif. Avec ses deux centimètres de plus que Napoléon, sera-t-il à la hauteur du peuple ?
- Bonjour. Laisse-moi deviner ? Le peuple ?
- Exact.
- Je m’en doutais. Moi c’est Bouteflika. Mais attention, si tu me nextes maintenant, je rentre chez moi et je te laisse dans ta médiocrité.
- Ok Boutef. J’aimerais savoir…
- Et si on s’asseyait avant ?
- Pourquoi, tu es…
- Qoutlek riah !
- Bon, d’accord, inutile de hurler. Je dois dire que tu sais parler au peuple toi… Maintenant, dis-moi, comment ça se passe pour notre problème de terroristes ?
- Je leur donne un délai pour se rendre.
- C’était pas déjà l’idée de Zéroual ça ?
- Non, c’est la mienne, moi, le quatre quarts de président !
- Tu as beau être un quatre quarts, discuter avec toi c’est pas du gâteau…
- Quoi ?
- Je disais que ton idée avait déjà échoué avant ton mandat.
- Je n’aime pas trop ta façon de penser.
- Je suis ainsi. J’aimerais savoir, les kabyles manifestent, pourquoi ne pas reconnaitre tamazight comme langue nationale et officielle ?
- Jamais ! Jamais ! Jamais ! Des nains déguisés en géants ne me feront pas accepter une deuxième langue officielle !
- Je vois que tu es un homme de dialogue.
- C’est tout à fait exact. Surtout si tu es un terroriste repenti.
- Ben voyons… Et le code de la famille ?
- Pas touche. Mes amis de la mouvance islamo-conservatrice ne seraient pas contents.
- En fait à l’heure actuelle j’aimerais dire next, mais on me souffle à l’oreillette qu’il faut partir pour un second mandat.
- Le peuple est souverain.
- Tu as des problèmes d’auditions, mais peu importe. Dans le journal, on dit que notre premier mandat ne s’est pas bien passé.
- Dis-moi quel journal c’est, je le ferais suspendre. Je l’ai toujours dit, c’est moi les imprimeries.
- Et la liberté d’expression ?
- Tout le monde milite pour la liberté d’expression. Et la censure, qui va militer pour elle ?
- Argument imbattable. Et concernant les terroristes qui finalement continuent de sévir, que fait-on ?
- Le délai pour se rendre étant passé, ceux qui se sont rendus sont libres et les autres seront libres dès qu’on leur aura mis la main dessus. Ha ! Ça aussi c’est une idée de Zéroual ?
- Ah non, ça c’est un inédit.
- Surtout que les terroristes relâchés auront droit à une retraite.
- C’est pas un peu injuste?
- Comment avancer si on continue de pleurer ?
- Comment perdre la mémoire quand on est un être humain ?
- C’est là tout l’intérêt de l’amnésie nationale.
- De l’amnistie nationale tu veux dire ?
- C’est pas ce que j’ai dit ?
- Non.
- Autant pour toi alors.
- Qu’est-ce qu’on fait pour les harragas ?
- On met des garde-côtes.
- ça résoudra le problème ?
- Quel problème ?
(Bref silence.)
- Tu te sens prêt pour un troisième mandat ? reprend le peuple.
- Je pense que c’est clair.
- Mais encore ?
- Je ne suis plus malade.
- Sois plus explicite.
- Il faut d’abord finir ce mandat.
- Je parle sûrement à un mur… Je te quitte un instant, je pars en coulisses.
- Ah non, inutile de sortir vos pinceaux, vous n’allez pas remaquiller mes 33 millions de têtes maintenant ! Et puis j’en ai marre de ce concept ! Comme si quelqu’un croyait à ces foutaises. Yakhi télé réalité ! Quel genre de public peut avaler ça ? Ça se voit quand même que c’est un scénario écrit à l’avance non ? Et en plus il n’est même pas crédible ! Aucun d’entre eux n’a essayé de me séduire, même pour faire semblant. C’est tellement évident qu’ils sont là pour eux ! Si on me recolle ce Boutef pour un troisième mandat, c’est moi qui prends le bateau et vous n’aurez qu’à chercher un autre peuple pour vous amuser ! Allez lui dire que j’arrête de jouer. Cette mascarade a assez duré ! Quoi je suis sous contrat ? Je n’ai pas signé de contrat ! On l’a signé à ma place, combien de fois devrais-je le répéter ? Je suis condamné à jouer contre mon gré ? Et bien sûr dans votre scénario minable, tout ce que j’ai le droit de dire c’est Allah ghaleb !
Par Nanou
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