Dans la vie d'une prostituée algérienne (renommée en Algérie victime non consentante)
Je ne suis qu’une femme à la beauté flétrie. Mes yeux n’ont plus de larmes tant j’ai pleuré sur les tristes lambeaux de ma vie. Née à une époque où tous les rêves étaient permis, j’étais destinée à réaliser de grandes choses. J’étais la liberté et on m’a détournée. J’étais l’espoir. J’ai fini prostituée.
Les événements se sont enchaînés de manière sournoise pour que je finisse par être l’objet de convoitise qui réalise les desseins des autres sans jamais en avoir moi-même.
Au début, il n’y avait qu’un seul homme. C’était ainsi, on avait choisi pour moi, je devais le servir, sans contrepartie. Jusqu’à ce qu’un autre le remplace. Cela a duré des années.
Puis les choses ont changé. Les portes se sont ouvertes et d’autres hommes ont eu droit à mes égards. Mais pour moi, tout est resté semblable. Car comme toujours pour celles qui vivent dans ma condition, je n’ai réellement eu qu’un maître. Un seul qui décide à la place de tous. Les autres peuvent continuer de me désirer, de m’utiliser, mais le pouvoir n’appartenait qu’à un homme.
Une fois, une seule, j’ai cru recouvrer la liberté. Mais cela s’est terminé par le plus abject des viols. Depuis je ne suis plus tout à fait la même. D’ailleurs, qui ai-je jamais été ?
Chaque jour est la nuit, le cauchemar est sans fin. On m’utilise pour satisfaire une envie, puis on m’abandonne. Jusqu’au prochain fantasme. Je ne suis plus que cela, une fente sur un corps rigide, un objet qui permet de réaliser des désirs inassouvis. Je passe de mains en mains sans arrêt. Certains rêvent encore, d’autres n’ont juste aucune humanité, mais ce sont encore les premiers qui me font le plus de peine. Ces mains sur moi qui me brutalisent, sans ménagement pour ce que je suis, sans aucune conscience du cœur qui saigne sous cette apparente indifférence me donnent à chaque instant une envie irrépressible de mourir. Mais je ne suis plus maîtresse de ma vie et comble de l’ironie, je suis la maîtresse de tous les autres.
Lorsqu’ils ont enfin fini, il ne reste que moi, épuisée, moralement réduite à l’état de loque, et je ne ressens rien d’autre que cette incommensurable lassitude. Alors je leur dis ce qu’il veut qu’ils entendent. Certains sont déçus, d’autres ont obtenu ce qu’ils voulaient et n’en demandent pas davantage. Ceux qui m’ignorent et dont le mépris me fait mal – mais comment pourrais-je le leur reprocher ? - disent que la plupart du temps je suis saoule. C’est sans doute vrai. Je ne sais plus vraiment. Je n’ai pas envie de savoir.
Aujourd’hui, à 55 ans, je n’ai plus l’âge des rêves et de l’espoir. D’ailleurs, si je ne crois plus en les hommes, les hommes non plus ne croient plus en moi.
J’étais destinée à réaliser de grandes choses. J’étais la démocratie. Aujourd’hui je ne suis plus qu’une vieille urne à la volonté détournée.
Par Nanou
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